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EQUERRE D'ARGENT 2016 # GRAND PRIX SPECIAL DU JURY

  • aoleblog
  • 24 nov. 2016
  • 3 min de lecture

La cérémonie de l'Equerre d'argent 2016 a décerné un Grand Prix spécial du jury au mémorial de Rivesaltes de l'architecte Rudy Ricciotti, associé à Passelac & Roques.


Longtemps méconnu, le camp militaire Joffre de Rivesaltes (Pyrénées-Atlantiques) a interné Espagnols, juifs et Tsiganes, de 1941 à 1942, et des harkis jusqu’en 1962. Construit sur l’ancien îlot F du camp –un espace de 42 hectares où des restes de baraquements rappellent un décor de fin du monde–, le mémorial surgit telle une gigantesque colonne couchée de 210 m de long. Aligné sur les tracés orthogonaux existants, il impose sa masse ocre au milieu d’un paysage aride et désolé que dominent des éoliennes qui semblent en être les gardiennes. Brutal et radical par sa forme, il provoque néanmoins une empathie immédiate par sa matérialité et sa couleur qui font écho à la terre environnante. Depuis le parking, on est d’emblée saisi par ce qui pourrait être une immense fosse d’où émerge la géométrie incisive du mémorial. Situé dans l’axe du camp, sur l’ancienne place de rassemblement, il affleure d’abord le sol naturel avant de s’élever vers le ciel à l’est, jusqu’à une hauteur égale au faîtage des vestiges: un parti pris qui indique la volonté première des architectes de valoriser la (re)découverte du camp.


L'anti-Mucem

Car c’est toute la problématique du programme magistralement illustré ici par les maîtres d’œuvre, Rudy Ricciotti associé à Passelac&Roques: rendre corps à un bâtiment à mi-chemin du monument et du musée, à la croisée du passé et du présent, voire du futur. Sans sombrer dans l’écueil d’un objet précieux et ostentatoire, ils réussissent à s’effacer, tout en happant le visiteur par un dispositif architectural qui fait sens et la mise en place d‘un parcours séquentiel et sensitif matérialisant le souvenir. Une démarche qui, par certains aspects, rappelle celle de Georges-Henri Pingusson pour le mémorial des Martyrs de la déportation sur l’île de la Cité à Paris. On y retrouve ainsi la même ouverture sur le ciel et surtout, un travail dans la masse dont l’épaisseur fait l’objet d’une réflexion spécifique, tant par l’impression suggérée d’oppression et d’isolement que par le mode de mise en œuvre et la définition intellectuelle du projet. "Le mémorial, c’est l’anti-Mucem", s’explique Rudy Ricciotti. L’architecte substitue à une dématérialisation la "pétrification" d’une violence formelle qui affronte l’histoire. A la différence de son illustre prédécesseur, il se mesure à la réalité d’un site avec lequel il crée un rapport de covisibilité qui fabrique un bâtiment-paysage. Confortant ce rapport, des cheminements ont été aménagés pour constituer un espace de déambulation propice au recueillement parmi les bâtiments érodés, envahis par une végétation sauvage sciemment conservée.


Un parcours pour matérialiser le souvenir

Pour accéder au monolithe, il faut emprunter un premier seuil, une pente douce se terminant par un tunnel en chicane. Ébloui par le retour de la lumière naturelle, on se confronte alors à l’ampleur d’un bloc énigmatique pourvu de façades complètement aveugles, sans rapport direct avec l’extérieur, dont seule la toiture est percée de trois puits de lumière. Une fois passée la porte quasi cyclopéenne, et contre toute attente, se découvre un monde ouaté, élégant et tamisé d’où tout effet de dramatisation est banni. De la banque d’accueil où le bois prédomine, un long couloir opaque débouche sur l‘immense salle d’exposition hypostyle. D’un seul tenant, celle-ci occupe près d’un tiers de la surface du bâtiment, et impressionne par sa générosité et la beauté de ses murs en béton. Là aussi, l’espace fermé et hors normes, servi par la sobriété de la scénographie, participe à asseoir une forme de silence et à favoriser la concentration. Abritant également des bureaux pour l’administration, un auditorium, une cafétéria, un centre de recherche ou des salles pédagogiques, le mémorial est ponctué par la présence des trois patios habillés de terre cuite qui, excepté leur apport de lumière, structurent l’organisation de l’édifice en amenant de larges respirations avec leurs échappées vers le ciel. On ne ressort pas indemne de la visite, traversé par une expérience physique et émotionnelle établie par la rencontre presque transcendantale du lieu qui a aujourd’hui recouvré une mémoire plus vivante que jamais. *


* texte extrait de la publication AMC n°249 https://www.amc-archi.com

Photographies http://rudyricciotti.com

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